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The Secret Machines
23/02/2009
Le Botanique - Bruxelles (B)

S’il est un groupe qu’il faut se réjouir de voir sur scène en ce début d’année 2009, c’est bien The Secret Machines. D’abord parce que leurs passages par nos contrées sont aussi rares que brefs (rien depuis 3 ans et à peine 16 dates pour la présente tournée, inégalement réparties entre Royaume-Uni, Pays-Bas, Allemagne, Belgique et France ; la France où le groupe se voit d’ailleurs réduit à assurer la première partie des Friendly Fires ! comprenne qui pourra). Ensuite, le trio originaire de Dallas vient tout juste d’accoucher d’un somptueux troisième album, sobrement intitulé The Secret Machines, et l’envie est grande de voir les nouveaux titres passer l’épreuve du live. Enfin, le départ de Ben en mars 2007, membre fondateur du groupe et frère de Brandon Curtis, le chanteur-bassiste-claviériste, laissait présager le pire. Mais, fort heureusement, non seulement les Secret Machines n’ont pas purement et simplement implosés, mais sans doute ont-ils également trouvé en la personne de Phil Karnats le guitariste idéal pour succéder à Benjamin Curtis ― en tout cas apporte-t-il un souffle de fraîcheur sans pour autant renier le travail tout en nuances et le son si particulier de son prédécesseur.

C’est donc, d’une certaine façon, un groupe tout neuf qui investit la chaleureuse et très intime Rotonde du Botanique de Bruxelles en ce lundi 23 février. Quelques mots tout d’abord sur la configuration scénique très particulière, dont les Secret Machines se sont fait une marque de fabrique en quelque sorte. En 2006, lors de leur précédente tournée, In the Round, le groupe formait un cercle et composait ainsi une sorte de symétrie verticale avec la rampe de lumières, circulaire également, qui le surplombait. En 2009, c’est le format In the Row, pourrait-on dire, les 3 musiciens étant installés en front de scène sur une même ligne, Josh Garza, le batteur, à gauche, Phil Karnats, le guitariste, au centre et Brandon Curtis à droite ; et, cette fois-ci, la symétrie est horizontale, puisque les éclairages principaux sont disposés sur les amplis à l’arrière-plan et diffusent une lumière blanche arasante.

Après une introduction en forme de test ultime des instruments et de mise en condition des 3 acteurs de cette soirée, le groupe démarre son set avec Dreaming of Dreaming, un des deux titres bonus de l’édition Anglaise de leur dernier opus. Ceci peut sembler un choix plutôt déroutant, a priori, ce morceau n’étant ni d’un accès facile ni surtout, par la force des choses, très connu du public ; mais il se révèle particulièrement efficace, car enchaîné avec Lightning Blue Eyes, il offre une entrée en matière qui va crescendo. Disons-le franchement : les 3 Secret Machines n’appartiennent de toute évidence pas à la catégorie de ces show-men entertainers qui tiennent les foules au claquement de doigts. Discrets jusqu’à l’effacement, voire même la froideur parfois s’agissant de Brandon Curtis, les 3 hommes optent manifestement pour la mise en avant de leur musique au détriment d’eux-mêmes, mais en ces temps de people-isation à outrance, saurait-on les en blâmer ? Finalement, c’est encore le batteur qui est le plus « remuant », le plus expressif en tous les cas, derrière un kit unique en son genre, pourvu d’une grosse caisse surdimensionnée complètement décentrée par rapport aux toms et aux cymbales.

Face à un public attentif et connaisseur, le groupe enchaîne les morceaux sans temps mort, avec une grande fluidité et un sens aigu de la cohésion, dans un clair-obscur savamment étudié que quelques faisceaux plus colorés viennent égayer parfois, au détour d’un refrain plus accrocheur. Ici, manifestement, l’improvisation n’est pas de mise. Nous avons à faire à 3 musiciens extrêmement concentrés, visiblement débarrassés de tout problème d’ego personnel et entièrement dévoués au collectif qu’ils constituent, ce qui semble finalement autoriser à chacun une grande liberté individuelle avec son instrument respectif. 

En entamant leur concert par le dernier titre de leur dernier album et en le clôturant par leur premier titre de leur premier album, on ne peut s’empêcher de se demander si ce choix ne relève pas de la quête de symétrie, une fois encore. En tout cas, ce que l’on peut dire de façon certaine, c’est qu’avec 3 titres de leur premier album, 2 titres du second et 4 titres du troisième, les Secret Machines bâtissent, non seulement un set parfaitement équilibré à l’échelle de leur discographie, mais aussi et surtout un set qui alterne très judicieusement morceaux courts et morceaux longs, rythmes énergiques et rythmes lents, structures binaires et compositions plus élaborées. Evidemment, on pourra toujours déplorer l’absence de tel ou tel titre (Daddy’s in the Doldrums, Faded Lines…), et, il est vrai aussi que la sélection opérée au sein du dernier opus peut laisser un peu perplexe (quid du fabuleux Last Believer Drop Dead et de l’épique The Fire is Waiting ?). Mais, si l’on a compris que les Secret Machines sont là pour proposer un tout construit et structuré et non pas pour présenter leur dernière production en date agrémentée de quelques oldies, dès lors, ce choix fait sens.

En revanche, il est un point sur lequel on ne peut qu’être critique : celui de la durée. Avec une prestation d’à peine 65 minutes, rappel compris, le trio donne franchement l’impression de s’acquitter de sa tâche comme on expédie les affaires courantes. C’est d’autant plus dommage que rien ne les empêchait, et certainement pas le public, d’allonger leur set d’un second rappel par exemple et atteindre ainsi les 80-90 minutes, ce qui semble un minimum pour un groupe disposant d’autant de matériel. Enfin, notons encore que, même s’il s’agit d’un choix légitime et visiblement parfaitement assumé par les trois musiciens, les excès de shoegazing finissent toutefois par passer pour un manque de conviction. Un peu plus de communication avec le public ne nuirait pas, bien au contraire !

En espérant qu’il ne s’agissait donc là que d’un tour de chauffe et, surtout, qu’il ne faudra pas patienter plusieurs années avant de revoir sur une scène Européenne cet excellent groupe injustement méconnu.

Olivier Bodart


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