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DLGZ Rock5tet – APSE
16/12/2009
De Kreun - Kortrijk (B)

Est-ce l’approche des fêtes de fin d’année ? Est-ce la neige qui commence à tomber ? Ou bien est-ce tout simplement l’affiche de ce soir qui ne serait pas des plus attractives ? Toujours est-il que le public semble avoir décidé de ne pas faire le déplacement, à un point tel qu’en début de soirée les spectateurs se comptent sur les doigts de la main ou presque.

De fait, c’est face à un parterre quasiment désert que les Lillois de DLGZ entament leur set. Toutefois, si les conditions ressemblent assez à celles d’une répétition avec les copains, ce n’est définitivement pas cette direction que prend leur prestation, bien au contraire !

A l’instar du patronyme qu’ils se sont choisis, les 5 musiciens proposent des compositions DLGZ Rock5tetdéroutantes, alambiquées, complexes, et semblent prendre un plaisir certain à brouiller sans cesse les pistes, comme s’il fallait impérativement que l’auditeur soit en permanence en position d’équilibre instable et ne se sente jamais en terrain conquis. Hurry, Hit Me 3 Times ou bien 4.00 am, véritables morceaux à tiroirs pourvus de double-fond, sont de petites pépites qui prennent le temps de se déployer, à la faveur d’un jeu particulièrement réussi d’allitérations de haute-voltige et de ruptures toujours imprévisibles. A la manière de ces peintres au couteau qui suggèrent bien plus qu’ils ne révèlent leur sujet, le quintet Lillois induit des phrases musicales sophistiquées qui ne s’imposent jamais totalement ; au contraire, dès qu’une ligne mélodique claire et distincte se dégage, elle s’interrompt tout aussitôt et se mue en un nouveau développement de notes.

Pendant une bonne quarantaine de minutes, les 5 DLGZ entraînent les tympans des spectateurs assidus dans les méandres d’un dédale de sons particulièrement inspirés, le tout sans velléité de démonstration mais néanmoins avec une précision métronomique. Servis par un mixage exceptionnel et un jeu de lumières tout en nuances, DLGZ Rock5tet délivre un set proche de la perfection, à des kilomètres de ce que les groupes de première partie offrent généralement.

En filigrane de ce que l’on entend, l’ombre de Tortoise se dessine parfois et, plus largement, l’esprit neo-prog, mais la formation Française emprunte brillamment à tellement de registres et de genres, croise avec bonheur et réussite tant d’influences et de références, que l’on abandonne très vite le jeu des affiliations ; après tout, les groupes qui développent un son et un univers à la fois personnels et ambitieux sont suffisamment rares pour ne pas les ensevelir sous le poids des héritages. Le mieux est encore d’écouter leur excellent premier album, New Tricks For Old Dogs, ou d’aller les voir sur scène ; nul doute que leur son finira tôt ou tard à parler pour eux ! 

Après un tel concentré de talent et d’originalité, on se dit que les Américains de Apse auront fort à faire pour conserver leur statut de headliner. 

Comme c’est de plus en plus souvent le cas aujourd’hui, les 5 musiciens installent et règlent Apseleur matériel eux-mêmes, lançant la prestation sans effet d’annonce, simplement quand ils sont prêts. Cette manière de faire s’avère généralement très efficace car, d’une part, cela n’empêche pas le public de réagir comme il se doit dès les premières notes, et, d’autre part, c’est une manière élégante de signaler que la musique importe plus que ceux qui l’interprètent, posture éminemment louable en ces temps de Moi-Je-isme 

Si globalement, le son de Apse séduit et recueille de jolies salves d’applaudissements, il n’emporte toutefois pas une franche adhésion de la part du public, qui semble plus passif que réellement attentif. Il faut dire qu’à l’excellent Spirit, paru en 2007, a succédé Climb Up cette année, opus qui voit le groupe opter pour une direction nettement plus pop, nettement plus consensuelle aussi. Résultat : les 2 titres prévus en rappel sur la setlist ne seront pas joués puisque de rappel il n’y aura pas, tout simplement ! Et c’est avec des sentiments partagés que l’on se dirige vers la sortie, après une cinquantaine de minutes d’un set en demi-teinte.

Au final, il n’en reste pas moins que le Kreun de Kortrijk nous a une fois de plus concocté une fort jolie soirée, dont on se souviendra plus, il est vrai, pour sa première partie que pour sa tête d’affiche.

Olivier Bodart


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