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Fuck Buttons
16/10/2009
Le Botanique - Bruxelles (B)

Formation composée d’un bassiste, d’un guitariste également aux commandes d’une boîte à rythmes et d’une chanteuse tambour-major qui martèle la peau d’un tom grave à l’aide d’un maracas, HTRK est originaire de Melbourne, même si le groupe a récemment émigré à Londres. Quelques singles et deux albums sont parus, Nostalgia en 2007 et le dernier très récemment, dont le titre (Marry Me Tonight) et la pochette surtout (d’un rose bonbon très flashy) ne traduisent absolument pas le contenu artistique.

Dire qu’HTRK propose une musique glaciale et glaçante est en effet un bel euphémisme. Poussant leur quête du froid et du chirurgical jusqu’à n’apparaître qu’en ombre chinoise, profils découpés par une lumière exclusivement bleue, le trio ne communique pas autrement que par le son qu’il produit, comme si le public n’existait pas, ou presque.

Les titres se succèdent, impavides, monolithiques, dans un climat proche de l’austérité ; voix lancinante et désabusée, guitare ultra-réverbérée, basse ronflante et boîte à rythmes on ne peut plus minimaliste. Cette grande économie de moyens n’empêche pas la formation de construire de jolies structures electro-pop auxquelles se greffent des mélodies vocales tout en subtilité. Malgré tout, on ne parvient pas à dire si le public massé dans une Rotonde sold-out est vraiment attentif ou simplement passif. La sortie de scène, à l’issue d’un set d’une demi-heure à peine, n’arrange rien. La chanteuse s’avance de la boîte à rythmes, jette un ½il à la setlist et revient à son micro pour simplement dire que, non, c’est fini, bye bye Bruxelles, direction les coulisses, abandonnant définitivement l’assistance à la perplexité.

En d’autres temps, certains avaient inventé les musiques pour aéroport, pour ascenseur… HTRK est tout proche d’accoucher d’une musique qui pourrait fort bien accompagner les travaux d’une salle de dissection. Pourquoi proche, seulement ? Parce qu’il leur faut encore se débarrasser de quelques tics cold-wave hérités des Cure de l’époque Faith. A suivre, donc !

L’installation de la scène des Fuck Buttons tient exclusivement dans la mise en place d’une table de DJ ; mais quelle table ! Format conférence au sommet, entièrement tendue de tissu noir et intégralement couverte d’un bazar indescriptible, blocs d’alimentation, câbles, jacks, racks de pédales, interrupteurs, curseurs, potentiomètres… à quoi s’ajoutent, pour Andrew Hung, un dispositif bien étrange inséré dans une valise antédiluvienne, posée ouverte, qui ressemble plus à un colis piégé qu’à une machine à sons, et, pour Benjamin J. Power, un tom grave ainsi que le fameux instrument dont il se sert pour produire les vocaux stridents qui sont la marque de fabrique de Street Horrsing, l’excellentissime premier opus paru l’année dernière. L’instrument en question, disons-le franchement, rappelle plus un jouet FisherPrice qu’un mégaphone ou une radio professionnelle !

Pas de one-two-one-two ni de eh-oh-eh en guise de soundcheck, mais toute une collection de sons qui démontre à quel point la musique électronique est construite et nuancée derrière son apparente simplicité ; une simplicité qui est plus le fait des rythmes, volontiers répétitifs et écrasants, que des structures mélodiques à proprement parler. Accessoirement, cette série d’essais lance également un avertissement aux tympans sensibles : ce soir, ça va jouer fort, TRES fort !

Et, effectivement, lorsque l’intro de Surf Solar s’élève crescendo dans l’enceinte archi-bondée de La Rotonde, qui ressemble pour le coup à un véritable puits de son, ça fait vibrer les membranes ! C’est un choix très judicieux que d’entamer ainsi le set, car il s’agit d’un titre qui prend le temps de construire par touches successives l’univers proposé par le duo de Bristol. Une fois le ton donné, sur une moyenne de 110 dB, le set de Fuck Buttons prend la forme d’une mise en sons du chaos, ou de la représentation que l’on s’en fait tout du moins. De temps à autre, les compositions issues du second album, Tarot Sport, apportent une touche un peu plus légère, une sorte de bribe d’espoir au milieu des ténèbres pour ne pas dire du néant ; mais, comme chacun sait, l’espoir ne dure jamais, et très vite, les rythmes tribaux et les longues phrases hypnotiques criblées de drones psychés reprennent le dessus, manière de dire que, sans aucun doute possible, l’apocalypse est bel et bien là !

Mine de rien, en filigrane de loops hachurées à la pédale de distorsion et aux giclées de stroboscope, c’est le monde de la génération digitale qui se dessine. Il y a 30 ans, de jeunes gens aux cheveux hérissés scandaient No Future et envoyaient un coup de rangers furieux dans un quotidien peu satisfaisant ; aujourd’hui, les Fuck Buttons reprennent le témoin et ajoutent Even No Present avec le flegme d’une désillusion archi-consommée.

En un peu plus d’une heure rappel compris, avec le cataclysmique Sweet Love For Planet Earth en guise d’au-revoir, les Fuck Buttons mettent tout le monde à genoux ; ou KO debout plutôt, car personne ici n’a suffisamment d’espace pour tomber.

Bienvenue dans le déluge !


Olivier Bodart